La prescription applicable en matière de crédit aux actions et contestations de l’emprunteur

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En France toute action doit être engagée dans un délai au-delà duquel, elle n’est plus recevable.

Il s’agit du délai de prescription, lequel est applicable notamment aux contestations que peut opposer l’emprunteur à l’établissement préteur qui lui réclame le remboursement de son crédit.
Le délai de prescription de droit commun généralement applicable est de cinq ans à compter de l’événement cause de la contestation.
Concrètement ce point de départ est différent selon la contestation soulevée et selon les circonstances.
Cette prescription peut par ailleurs être écartée dans certains cas, lorsque la contestation est soulevée par voie d’exception, pour faire échec aux demandes de la banque, mais ce n’est pas automatique.

Si l’’emprunteur peut opposer un certain nombre de contestations à l’’établissement bancaire qui le poursuit en paiement, pour autant ses ses arguments sont soumis à prescription.
Le point de départ de la prescription et ses modalités de calculs varient cependant en fonction de l’action intentée et de la façon dont la contestation est soulevée.

Délai applicable

Principe

Si la Loi prévoit des délais spécifiques opposables à la banque qui souhaite agir à l’encontre d’un emprunteur consommateur, en revanche, elle ne prévoit aucun délai propre aux actions ou contestations que les emprunteurs souhaitent opposer à leur établissement de crédit.

Leurs actions sont donc soumises au délai de droit commun, qui depuis la réforme de juin 2008, est de 5 ans.
En effet, selon article L110-4 du code de commerce, toute action entre commerçant, ou commerçant et non commerçants se prescrit par cinq ans.
Il s’agit également du délai de prescription de droit commun édicté par l’article 2244 du code civil.
Il s’agit donc de la prescription que l’emprunteur peut se voir opposer par la banque (voir par exemple : 1e civ. 30.05.2012 : n°11-14728 )

Tempéraments :

La prescription peut être soit interrompue, soit suspendue selon conditions prévues par le code civil (articles 2233 à 2246 auxquels il convient de se reporter pour de plus amples précisions ( )).

En dehors de toute interruption ou suspension de la prescription, l’emprunteur peut également y échapper en soulevant son argumentation « par voie d’exception », c’est-à-dire en défense aux demandes de l’établissement préteur.

Ceci ne vaut cependant que pour certains arguments que l’emprunteur peut invoquer.
Concrètement, cela signifie que si l’emprunteur attend d’être assigné par la banque, et qu’il lui oppose certaines contestations dans le cadre de cette procédure, comme moyen de défense, c’est-à-dire pour faire échec aux demandes de l’établissement de crédit, ce dernier ne pourra alors pas lui opposer la prescription.

Ceci ne vaut cependant pas pour tous les arguments dont le débiteur peut se prévaloir.
Le bénéfice de cette exception d’inexécution faisant échapper le débiteur à la prescription peut notamment jouer :
Pour une action en responsabilité (cour d’appel GRENOBLE 13.11.2018 RG 16/05078)
Parallèlement la Cour de cassation rappelle néanmoins régulièrement que le point de départ de l’action en responsabilité de l’emprunteur à l’encontre de la banque se situe au jour de la manifestation du dommage.
Pour la caution qui invoque la disproportion de son engagement et donc son inopposabilité selon anc. Art L341-4 du code de la consommation, cet argument soulevé par voie d’exception échappe à la prescription (1e civ.31.01.2018 : n°16-24092 ).
Attention cependant, pour que ces inopposabilités des exceptions jouent, il faut que la caution n’ait pas commencé à s’exécuter.

En revanche, la Cour de cassation a jugé, à plusieurs reprises, que la contestation du TEG ou des intérêts n’échappait pas à la prescription, même soulevée par voie d’exception dès lors que le contrat avait reçu un début d’exécution (et donc dès lors qu’ils avaient remboursé ne serait-ce qu’une échéance…) (cass.13.05.2014, com.03.12.2013 : n°12-23976, 1e civ. 25.03.2003 : n°00-22312, 1e civ.01.12.1998, com.31.01.2017 : n°14-29474 )

Computation (calcul) du délai, selon la contestation soulevée

Point de départ de la prescription à l’égard de l’emprunteur principal

En principe, le point de départ retenu est la date de conclusion du contrat.
L’emprunteur doit donc soulever toute contestation dans les cinq années de l’octroi du crédit.
Après cela, sauf tempérament ou exception, il risque fort d’être prescrit ; ses demandes seront alors déclarées irrecevables.

Limite : la jurisprudence reporte régulièrement le point de départ applicable dans certains domaines.
C’est notamment le cas pour la contestation du TEG (TAEG) par l’emprunteur.
En la matière point de départ exact retenu par la jurisprudence est la date à laquelle l’emprunteur aurait dû connaitre l’irrégularité.

Le point de départ peut donc être reporté, mais à la condition de démontrer qu’au jour de la signature du contrat, à la lecture de celui-ci, l’emprunteur n’avait pas la possibilité de déceler l’erreur sur le TEG (TAEG), ou la faute commise par la banque (jurisprudence en ce sens : 1e civ.16.10.2013 : n°12-18190, 1e civ. 27.11.2013 : n°12-22456, 1e civ. 19.03.2015 : n°14-1112, 1e civ. 31.01.2017 : n°14-263601e civ. 01.03.2017 : n°16-10142…())
Concrètement, selon jurisprudence, pour que le point de départ soit effectivement reporté, les juges recherchent si une simple lecture de l’offre permettait de déceler l’erreur dans le calcul du TEG (sans tenir compte de l’ignorance de l’emprunteur, nul n’étant censé ignorer la loi).
Il faut donc que l’erreur ne soit décelable que via des calculs.

S’agissant de l’action en responsabilité dirigée à l’encontre de la banque la Cour de cassation a rendu très récemment un arrêt de principe en la matière plutôt défavorable aux établissements de crédits :
Par un arrêt rendu le 5 janvier 2022 et destiné à être publié au bulletin, la Cour de cassation a en effet jugé que le point de départ de la prescription applicable à l’action en responsabilité de l’emprunteur à l’encontre de l’établissement préteur se situe au jour du premier incident de paiement.
La Cour de cassation estime en effet que c’est à cette date que le dommage apparait à l’égard de l’emprunteur.
Arrêt 1e civ. 05.01.2022 : n°20-18.893

Spécificité du point de départ des contestations soulevées par les cautions :

Pour contester la validité de son engagement, la caution doit agir dans les cinq ans de la signature de celui-ci.
Pour l’action en responsabilité que souhaite engager la caution à l’encontre de l’établissement préteur, le point de départ ne court qu’à compter du jour où le cautionnement est mis à exécution (com.19.02.2013 : n°12-11763 ; com.12.05.2004 et 24.06.2003 : la caution est mise à exécution dès la première mise en demeure qui lui est envoyée ; qui constitue donc le point de départ de la prescription de son action en responsabilité)
La caution doit donc agir en responsabilité dans les 5 ans de sa première mise en demeure.
Ceci a été encore très récemment rappelé par la Cour de cassation dans son arrêt précité du 5 janvier 2022 (n°20-18.893)
Pour une demande de déchéance du droit aux intérêts soulevée par la caution par voie d’exception, la prescription ne lui est pas opposable (pour défaut d’information annuelle due à la caution) (com.06.06.2018 : n°17-10103)

Pareillement, le fait pour la caution d’invoquer l’inopposabilité de son cautionnement pour disproportion échappe à toute prescription dès lors que cet argument est soulevé par voie de défense au fond (1e civ. 31.01.2018 : n°16.24092 : P+B ).
La caution bénéficie ainsi de certaines spécificités par rapport à l’emprunteur principal.
Mais dans tous les cas, la prescription peut, à un moment où à un autre, être invoquée par l’établissement préteur, et ainsi faire échec aux demandes et contestations de l’emprunteur ou de la caution si la question n’a pas été préalablement vérifiée.

Article de janvier 2019 actualisé en février 2022